Désalinisation solaire, solution pour un problème mondial grandissant ?

8 avril 2016

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L’eau est une molécule aux propriétés physiques et chimiques extraordinaires qui a tout simplement rendu la vie possible sur terre. Elle est capable de transporter des nutriments ou des hormones dans des cours d’eau ou dans notre sang et permet à la machinerie cellulaire de fonctionner. De par ses propriétés physiques, elle permet aussi de protéger la vie aquatique même par temps très froid, grâce à la formation de glace protectrice en surface. L’eau est tellement essentielle au vivant que la science a démontré que c’est la présence d’eau liquide qui permet de déterminer si une planète peut ou non accueillir la vie dans un système solaire.

La Terre possède beaucoup d’eau liquide principalement concentrée dans ses océans. Mais les capacités des solvants de l’eau, font qu’au cours de l’histoire géologique l’eau de ces océans a concentré progressivement les sels et les minéraux, avec pour conséquence majeure qu’aujourd’hui cette eau est salée.
Contrairement aux espèces marines, la majorité de la vie sur les continents ne peut pas assimiler l’eau salée, il lui faut donc de l’eau douce. Sur les continents, cette eau douce est amenée par le cycle de l’eau, qui passe par des phases d’évaporation et de précipitation de l’eau. Quand une fraction de l’eau s’évapore des océans, elle se défait des minéraux qu’elle contenait et devient de l’eau douce sous forme gazeuse. Elle s’accumule sous cette forme pour former des nuages, que les vents portent jusqu’aux terres immergées. La précipitation des nuages sous forme de pluie ou de neige distribue alors l’eau douce sur les masses continentales.

L’eau douce : une ressource essentielle, rare et précieuse pour l’humanité.

Sur Terre, 97,5 % de l’eau se retrouve donc sous forme d’eau salée dans les océans, les 2,5 % restants se retrouvent sous forme d’eau douce sur les continents. L’eau douce est donc rare sur terre, mais encore plus si l’on regarde sa distribution. En effet, 68,9 % de l’eau douce disponible sur Terre se retrouvent prise dans les glaciers et les neiges éternelles, alors que 30,8 % se retrouvent dans l’humidité du sol, le pergélisol et les marécages. Il ne reste donc que 0,3 % de l’eau douce restante qui se retrouve dans les lacs et rivières du globe, et c’est cette infime partie de l’eau douce terrestre qui est disponible pour la consommation de l’être humain (Palenzuela et al, 2015).

De plus, on le sait, l’eau douce n’est pas distribuée équitablement sur Terre. Certaines régions ont une pluviométrie très abondante, alors que d’autres sont désertiques. Des stress hydriques importants se retrouvent notamment au Moyen-Orient et dans les pays du golfe, dans le bassin méditerranéen, dans certaines régions des États-Unis, au nord de la Chine, dans le sud de l’Inde, au Chili, en Australie et en Afrique du Sud.

Vers une pénurie d’eau douce naturelle

Les stress hydriques du globe se sont accentués au cours du siècle dernier, car nous ne cessons d’augmenter notre consommation, alors que les sources d’eau douce sont de plus en plus détériorées par la pollution. Les experts prévoient qu’en 2030, 47 % de la population mondiale vivra dans une région connaissant un stress hydrique. En ce qui concerne la consommation mondiale d’eau douce, en l’an 2000, l’être humain a consommé 30 % de l’ensemble de l’eau douce de notre planète (4200 km3). C’était trois fois plus que la consommation mondiale d’eau douce des années 50.
Notre consommation augmente tellement qu’on prévoit qu’en 2030 nous consommerons 70 % de l’eau douce disponible sur Terre. Cette augmentation est due notamment à l’accroissement mondial de la population et à un mode de vie moderne qui demande toujours plus d’eau, notamment pour les besoins industriels.
Le stress hydrique s’accentue donc avec l’augmentation de la population mondiale, mais aussi avec la dégradation ou la surutilisation des ressources d’eau douce, l’industrie et les populations humaines rejetant beaucoup d’eaux usées.

Le réchauffement climatique est également pointé du doigt dans cette problématique, car la fonte dramatique des glaciers et des neiges éternelles amène aussi une raréfaction des ressources d’eau douce disponible, bon nombre de cours d’eau prenant leur source dans de tels glaciers comme c’est le cas au Tibet (Woldai,2016). Le réchauffement climatique modifie et perturbe également le cycle naturel des précipitations hydriques amenant des cycles de sècheresse exceptionnels dans certaines régions du monde, à travers des phénomènes climatiques extrêmes comme El Niño. Depuis 2002, l’ONU a donc mis en garde la communauté internationale de ce problème qui devient planétaire et qui est de plus en plus critique. Un accès limité à l’eau douce est un des facteurs les plus contraignants en ce qui est attrait à la croissance économique, aux progrès sociaux, de même qu’à la sécurité alimentaire et énergétique. L’accès à l’eau potable fait partie des droits fondamentaux de l’être humain.

La désalinisation, une solution à la crise mondiale de l’eau ?

Car 70 % de la population mondiale vit proche des océans, la source la plus abondante d’eau sur Terre, la désalinisation est donc naturellement apparue comme la solution au problème d’accès à l’eau potable pour certains pays du monde (Palenzuela et al, 2015). L’Arabie saoudite a commencé dès 1930 à utiliser des techniques de désalinisation de l’eau de mer.

Aujourd’hui, elle est la première puissance productrice d’eau douce au monde par désalinisation avec plus de 7 millions de m3 produit par jour. La majorité de l’eau douce consommée là-bas provient de la désalinisation, comme c’est le cas pour un grand nombre de pays du golfe persique. Dans la production d’eau douce mondiale par désalinisation, l’Arabie saoudite est donc suivie par les Émirats arabes unis, les États-Unis d’Amérique et l’Espagne. 

Mais la désalinisation n’est pas une solution miracle et pose certains problèmes, car ces techniques demandent beaucoup d’énergie et certains pays n’ont tout simplement pas de ressource énergétique bon marché comme le pétrole pour développer cette industrie.
De plus, en utilisant des énergies fossiles pour produire de l’eau douce, les émissions de gaz à effet de serre de cette nouvelle industrie deviennent un enjeu très problématique, accentuant le réchauffement climatique. Sans compter la gestion des résidus de sel et autres polluants générés par de cette industrie et la dégradation de l’environnement s’ils sont mal gérés.

La désalinisation à base d’énergie renouvelable comme piste de solution durable

Les énergies renouvelables comme la concentration solaire, le photovoltaïque ou l’énergie éolienne sont donc de plus en plus envisagées pour effectuer de la désalinisation, et cela pour des échelles de production intermédiaires ou locales, pour des pays possédant peu de ressources énergétiques conventionnelles, ou pour des producteurs voulant limiter leur empreinte écologique.

Et la désalinisation par concentration solaire semble tout particulièrement bien placée dans cette perspective d’avenir, car le soleil est souvent très abondant dans les régions du monde souffrant de stress hydriques importants. De plus, la concentration solaire est une solution techniquement plus simple que d’autres technologies, elle demande moins d’entretien et elle offre beaucoup de possibilités techniques. Dans certains cas, la désalinisation solaire pourrait en effet être intégrée à des unités de production d’électricité et d’énergie autonome, dans des communautés géographiquement isolées et ayant des besoins multiples. Les technologies de concentration permettent également de mixer plusieurs techniques de désalinisation tout en développant des outils intéressants de gestion des rejets de sel.

Enfin, les techniques de désalinisation s’appliquant également au traitement des eaux usées, la désalinisation solaire permettrait aussi de moins détériorer et de restaurer nos ressources d’eau mondiales. Les normes environnementales de plus en plus sévères amènent les clients industriels occidentaux à se tourner vers de telles technologies pour limiter les rejets d’eaux usées. Dans ce contexte, la désalinisation par concentration solaire offre plusieurs options techniques très intéressantes d’un point de vue économique et écologique, comme nous pourrons le voir dans le prochain article : le marché de la désalinisation solaire et les différentes solutions techniques disponibles.

Bibliographie :

– Palenzuela et al, Concentrating solar Power, springer. 2015

– Woldai, Multi-Flash desalinisation, CRC press, 2016